Voici un enseignement de st Vincent qui peut choquer ou tout au moins surprendre. Nous sommes toujours sur sa conférence sur l’esprit des Filles de la Charité. Nous aurions pu le passer sous silence et en rester à la norme actuelle de notre société qui tend à faire que tout le monde soit beau et basta pour ceux qui ne le sont pas ! Mais osons écouter le fond de son enseignement sur l’humilité et risquons un face à face avec nous-mêmes pour savoir quelle est notre réaction lorsqu’on nous met en avant un élément défaillant ou peu enviable de notre physique ou de notre personnalité…

 Voyons maintenant les marques de l’humilité. Est humble qui aime son abjection. S’il y avait parmi vous une fille difforme, boiteuse, qui aimât son infirmité, elle aimerait son abjection. J’en ai connu une qui était incommodée d’une cuisse, qu’elle appelait sa bonne cuisse, sa bénite cuisse. C’était là son abjection. Ce fut pour ce motif qu’elle ne se maria point. De même, si l’une d’entre vous était marquée au visage et aimait cette marque, ce serait humilité. Aimer à croire que nous n’avons pas l’esprit propre à faire du bien, c’est aimer son abjection. Une fille qui est blâmée dans la Compagnie, dans les paroisses, à vrai ou à faux, aimer ce blâme, c’est aimer son abjection. Si l’on vous interroge, comme nous faisons ici, et que vous ne sachiez pas dire grand’chose, il faut aimer cela.

Ayez un humble sentiment de vous-mêmes, estimez-vous indignes non seulement de bien parler mais encore d’être dans la Compagnie, et au sujet de toutes choses dites : « O mon Dieu, qu’avez-vous fait ! Quoi ! moi, misérable fille, continuer ce que vous avez fait sur la terre ! Je suis si misérable ! Je gâte tout et je suis incapable de toutes choses !»

Au contraire, celles qui se croient quelque chose pensent avoir de l’esprit ; elles disent : « Je sais gagner ma vie, je sais faire quantité de choses » ; elles se vantent d’être regrettées partout. Ah ! le maudit état d’orgueil !

Voilà donc, mes chères sœurs, la première marque de l’humilité : avoir un bas sentiment de soi-même, croire que l’on gâte tout, comme Job, qui disait : « Je crains qu’en toutes mes actions il n’y ait quelque péché » (Job IX, 28).

D’une Fille de la Charité qui craint ainsi, on peut dire qu’elle a la vraie humilité.   IX, 604-605

  • Dans d’autres entretiens, nous savons que st Vincent est capable de mettre à l’honneur le travail ou le caractère de tel ou telle mais là, il nous invite donc à explorer notre part d’ombre et d’être en vérité… Y suis-je prêt ?
  • Que ce passe t il en moi, lorsque l’on critique une de mes réalisations, un travail ou qu’on remet en cause un point de mon caractère ?
  • « sa bonne cuisse, sa bénite cuisse » Que puis-je tirer d’une telle posture vis-à-vis d’un handicap personnel ?
  • Notre société nous pousse à être toujours au top, ce qui peut être fort épuisant, nous invite à être dans le faux.
    • Suis-je prêt à m’accueillir tel que je suis ?
    • Suis-je prêt à me montrer tel que je suis ?
  • Avec st Vincent entrons dans la joie d’être humble, de ne pas être remarqué, car notre Père qui voit dans le secret, nous connait tel que nous sommes. Ne nous limitons pas au visible et laissons jaillir notre beauté intérieure.