l’homélie de ce jour est sur un sujet sensible.  D’autant plus sensible que nous y évoquons le rapport du CIASE sur les abus sexuels en Eglise.

pour une fois la version audio: => divorce…reflet de notre âme…

et la version écrite sont la même:

Nous voici donc avec un enseignement de Jésus qui suscite bien des débats et des tensions entre chrétiens surtout que c’est un sujet qui débouche sur la privation de l’union au corps du Christ. C’est la question du divorce. Essayons d’y voir clair

Premier point les interlocuteurs de Jésus ne sont pas des chercheurs de vérité (attitude fondamentale pour avancer sur le mystère de Dieu) mais ils veulent piéger Jésus. Dans ces cas là Jésus n’est pas très conciliant ! Ils voulaient faire la leçon à Jésus, c’est lui qui va les mettre en échec. Il va aller à l’extrême de l’enseignement.

Autre point à repérer de la part de Jésus, quand il enseigne il va bien au-delà de la loi, vous vous rappelez les « vous avez appris, … moi je vous dis » dans le sermon sur la montagne. Il nous indique ainsi la voie de la perfection, ensuite lorsqu’il rencontre des personnes en situation difficile il écoute en premier le vécu des personnes, juste comme exemple, en lien avec le thème d’aujourd’hui, lorsqu’il rencontre la femme adultère, alors que les pharisiens voulaient encore le piéger, il dit « moi non plus je ne te condamne pas ».

Pour appuyer son enseignement, le Christ revient au tout début de l’histoire humaine avec nos deux ancêtres imaginés : Adam et Eve. Indirectement il rappelle la création de l’humain. Le premier récit nous dit « Dieu les créa, homme et femme il les créa » en chacun de nous il y a du féminin et du masculin. Le deuxième récit évoqué dans cet évangile et entendu dans la première lecture, nous rappelle que l’humain ne sait pas vivre seul, il a beau voir défiler tous les animaux de la terre, pas un seul n’est à la hauteur pour combler ce vide abyssal ( c’est intéressant de se le redire aujourd’hui quand on voit parfois la place que prennent les animaux dans la vie de certaines personnes). Il a besoin de son vis-à-vis. Il l’appelle isha car lui s’appelle ish. Je ne connais pas l’hébreux mais j’ai entendu récemment un spécialiste nous dire que ish et ishsha sont les deux lettres nécessaires pour former le mot « Dieu ». Dieu a créé l’humain pour avoir un vis-à-vis. Il est amoureux de sa créature et dès le début avec lui il propose une alliance. Rappelons nous que nous sommes créés à l’image de Dieu. Donc il y a un effet miroir. Pour savoir qui je suis il me faut regarder Dieu comme un miroir pour avancer sur la compréhension du mystère que je suis, que nous sommes.

Jésus en rappelant cette injonction que devraient tenir les couples, va bien au-delà d’une loi morale, il nous rappelle l’origine de notre vie et ce que nous avons à vivre ici. Lorsqu’il invite à ne pas répudier l’autre, il nous dit « ne te contente pas de l’immédiat, ni d’un petit bonheur du moment ». J’ai plusieurs fois entendus des personnes divorcées parler avec admiration des vieux couples qui ont tenus toute leur existence cette alliance entre eux malgré les difficultés du parcours inhérent à toute vie de couple. Ces personnes reconnaissent qu’elles n’ont pas réussi à tenir cette alliance, pour X raisons mais qui pourraient se résumer en une « le devoir de survie » (dans le sens où leur vie de couple était morte!). Lorsque le Christ dit à la femme adultère « moi non plus je ne te condamne pas, va et ne pêche plus » il lui dit continue ta vie et n’oublie pas qu’elle est très importante et que tu ne peux pas en faire n’importe quoi. Sois digne de la vie que tu as reçue. Honore l’alliance de vie que tu as avec Dieu.

Pour continuer mon commentaire sur cet évangile et pour parler d’un sujet très délicat je vais faire un petit détour. Surement savez vous que mardi prochain, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels en Eglise qu’on appelle CIASE) va rendre son rapport au président de la conférence des évêques de France. C’est l’Eglise elle-même qui a demandé cet état des lieux de tous les abus sexuels en Eglise pour faire un travail de vérité et de purification au sein même de l’Eglise. Démarche qui a été plusieurs fois remarquée par des athées ou personnes loin de l’Eglise comme très courageuse. Ce rapport risque fort de faire grand bruit et de révéler bien des situations, une fois encore très douloureuses, scandaleuses et difficilement entendables. Les responsables d’églises, évêques et responsables religieux nous invitent à nous préparer à ce nouveau séisme pour accueillir au mieux ce qui est peu entendable humainement parlant. Avoir une attitude d’accueil et porter cela avec force dans la prière, tout particulièrement les victimes des abuseurs. L’une des intentions de la prière universelle sera donc à entendre avec force et compassion.

Si j’évoque cette situation au milieu de mon homélie c’est pour faire un lien avec le thème du divorce et les religieux abuseurs. Dans leur engagement à la vie consacrée, ils ont fait alliance avec Dieu au sein de l’Eglise tout comme un couple fait alliance, l’une comme l’autre veulent signifier que l’amour de Dieu est le ferment d’une vie solide quelque soit l’engagement pris. Lorsque des personnes sont capables d’abuser d’enfants ou même d’adultes, elles cassent cette alliance. Ces personnes cassent le projet initial de Dieu de nous faire vivre en harmonie. Ces abus, sont le reflet à l’extrême de réduire l’autre à son propre plaisir personnel alors même que Dieu nous a invités à nous donner à l’autre pour le bonheur de chacun.

Prier pour les victimes, avoir des structures qui les accompagnent pour les aider à sortir de cet enfer, c’est très important et nous avons d’une manière ou d’une autre à nous y investir ; ne serait-ce que dans la manière de parler de toutes ces situations avec beaucoup de respect et d’attention. J’ose une simple comparaison, lorsqu’il y a un dégât des eaux dans une maison il est très bien de prendre la serpillère pour enlever l’eau qui déborde du lavabo mais ça ne sert pas à grand-chose si au préalable on n’a pas coupé l’arrivée d’eau. Je veux dire par là, qu’un autre aspect de ces situations est trop souvent non pris en compte. Que faisons-nous des abuseurs ? Notre société est très marquée par le jugement et la condamnation. Nous allons vite à les transformer en monstre dont il faut se débarrasser. Mais la réalité est plus complexe que cela. Parlant des abuseurs j’ai tout particulièrement en tête les abuseurs actuels. Nous pouvons espérer que ce travail de vérité entrepris en Eglise permettra une grande diminution du nombre d’abus mais ça ne va pas être magique. Nous avons à nous investir dans tout ce qui peut être préventif. Bien souvent lorsque l’on est témoin de situations gênantes ou mal ajustées on a une tendance à s’éloigner en ce disant que ce n’est pas à nous d’intervenir. On sait mais on ne veut pas dire et on ne veut pas réagir. Or c’est là notre erreur. Il nous faut apprendre à avoir le courage d’une parole et d’une démarche de vérité lorsque l’on peut être témoin de relations non ajustées et de faire une démarche envers le potentiel prédateur. Nous n’avons pas à nous transformer en justicier solitaire sortant de la nuit mais nous avons à avoir un regard de veilleur avec une attitude bienveillante. Comment aider une personne qui à des comportements douteux ou tout au moins confus? Il y a parfois à aider à clarifier une relation. Savoir initier à une relation respectueuse laissant la liberté à chacun. Le chemin est exigeant c’est pour cela qu’il peut être fort intéressant de réentendre ce que le Christ nous enseigne lorsqu’il y a quelqu’un avec qui il y a discordance : va le voir seul à seul, puis avec deux ou trois de la communauté ; puis devant toute la communauté. Il y a de la progression dans la manière d’appréhender une situation déviante.

C’est pour cela que je vous invite à prier aussi pour ces personnes qui vont jusqu’à abuser. Ce n’est pas pour rien que le Christ nous invite à prier pour nos ennemis car ils sont ces éléments de la vie commune qui empêchent justement une vie en paix et c’est vers eux que doit s’orienter notre prière.

Revenons à la final de l’évangile entendu aujourd’hui : Jésus réprimande fortement ses disciples qui veulent empêcher les enfants de venir à lui. Il nous donne une fois encore un enseignement extrême : devenir comme des enfants ! Nous sommes éduquer pour être autonome, indépendant, ne rien devoir à qui que ce soit et là le Christ nous dit que si nous voulons vivre le Royaume de Dieu il nous faut devenir comme ces enfants : des êtres fragiles, vulnérables et dépendants de leurs parents. Ils sont plein de vie et ne peuvent la faire jaillir que dans une relation de confiance à leurs parents : c’est la relation que nous avons à vivre avec Dieu notre créateur, il est l’origine de la Vie, il est celui qui sait comment nous pouvons donner le meilleur de nous-mêmes. Demandons la grâce de devenir les enfants de Dieu.

Vincent Goguey cm