Un petit topo donné un groupe de réflexion, méditation sur le thème de « l’espérance ». ici il se trouve en version audio => Espérance

vous avez aussi la version écrite avec quelques nuances ci dessous.

voici le lien pour avoir quelques textes de st Vincent sur le sujet de l’espérance => espérance txt vdp

 

L’espérance chez st Vincent

« L’ESPERANCE NE DEÇOIT PAS »

Pape François, Audience générale du 7 décembre 2016

« … L’espérance ne déçoit pas. L’optimisme déçoit, mais pas l’espérance. Nous en avons tellement besoin en ces temps qui semblent obscurs, où nous nous sentons parfois désemparés devant le mal et la violence qui nous entourent, devant la douleur ressentie par tant de nos frères. Nous avons besoin de l’espérance ! Nous sommes désemparés, mais aussi un peu découragés car nous nous sentons impuissants et nous avons l’impression que cette obscurité ne finira jamais.

Mais il ne faut pas laisser l’espérance nous abandonner, car Dieu nous accompagne de son amour. « Je suis dans l’espérance car Dieu est à mes côtés » : nous pouvons tous dire cela. Chacun de nous peut affirmer : « J’espère, je suis dans l’espérance, car Dieu chemine à mes côtés ». Il avance et me tient par la main. Dieu ne nous laisse pas seuls. Le Seigneur Jésus a vaincu le mal et nous a ouvert le chemin de la vie. »

 

En introduction de ce topo sur l’espérance Vincentienne, nous voulons faire une distinction claire entre espoir et espérance. Un espoir est attaché à une chose, un évènement, qui est attendu dans le temps. Comme l’espoir d’avoir son examen, d’avoir un travail, d’avoir une bonne santé. L’espoir même s’il peut être permanent comme avoir de la santé, reste dans un état de finitude.

L’espérance quant à elle est un état de vie. C’est une énergie, une dynamique, un moteur. Pour les chrétiens c’est une des trois vertus théologales. (foi, espérance, charité). Ce n’est pas un but à atteindre c’est entrer dans un processus de vie. Nous avons a être des chrétiens adultes, responsables et porteurs de la bonne nouvelle d’une manière active, je vous propose donc d’aller d’entrée de jeu dans cette dynamique chrétienne. Je vais donner un petit topo en m’appuyant sur la vie de st Vincent, puis je vous proposerai un temps de silence et méditation pour que chacun fasse sien cette vertu théologale. Nous finirons la matinée par un premier partage.

Parfois l’espérance se confond avec l’espoir. Lorsque nous regardons la vie de st Vincent nous pourrions croire que sa première espérance dans laquelle il s’investi  était sa fameuse honnête retirade. C’est-à-dire avoir de bons revenus via la prêtrise et les charges qu’il espérait avoir. Il était dans l’avoir et le valoir.  Il se débrouilla très bien pour y réussir, même s’il lui a fallu attendre longtemps pour arriver à ses fins on peut dire qu’il a atteint ses espoirs. Pour faire court, avant 1617 il arrive à se placer auprès des grands de ce monde en étant précepteur des de Gondi, famille de la haute noblesse du moment. Il a une cure à Clichy dont il garde les revenus et autres titres qui lui rapportent un bon pécule. Nous pouvons retenir de cette période la détermination de st Vincent à ne pas être dans la médiocrité quelques soit les difficultés du moment.

Paradoxalement c’est lorsqu’il arrive à cela qu’arrive en lui de plus en plus ce mal vivre, une certaine insatisfaction qui va le mener aux antipodes de ses premiers objectifs. Peut être peut-on noter sur notre thème que les espoirs que nous avons, ont un arrière gout d’insatisfaction.  Il se laisse de plus en plus toucher par les pauvretés qu’il rencontre et dont il se met à être attentif car la méditation régulière de l’évangile fait son œuvre et creuse en st Vincent un tout autre centre d’intérêt. Il désire de plus en plus servir le Christ dans les pauvres. Alors qu’il est à Folleville dans le beau château picard des de Gondi, il file à l’anglaise et demande à Bérulle de lui trouver un autre poste, c’est ainsi qu’il se retrouve à Chatillon. Il voulait s’éloigner de Mme de Gondi. Il comprend qu’il lui faut aller à l’essentiel, servir Jésus-Christ dans le service des pauvres.

Alors quand nous parlons de l’espérance de st Vincent il faut tout de suite la rattacher au dessein d’amour du Père. Car en suivant le Christ il est amené à être à l’écoute de Celui qui l’a envoyé. Nous regardons souvent st Vincent par le biais de ses œuvres et ses fondations et on pourrait se dire « oui cet homme a eu une belle vie, bien remplie » mais nous ne serions que dans le quantitatif et fortement à coté de la plaque. L’espérance est une énergie, un moteur. C’est elle qui met en route, qui stimule. Regarder ses œuvres c’est regarder les conséquences ou le résultat de sa dynamique d’espérance. Mais si on regarde que cela on risque fort de ne pas saisir la vie spirituelle de notre fondateur.

Ce qui le motive est de correspondre à la volonté de Dieu, rien que cela ! Il n’aura de cesse de redire qu’il faut se mettre à l’écoute de la Providence. Se soumettre à sa douce volonté car le risque, lorsqu’il y a quelque petite entreprise qui commence à fonctionner est de vouloir tout de suite tout mener par nous-même, nous appuyant que sur nos forces et non plus sur la Volonté de Dieu. Vivre l’espérance amène à un certain renoncement de notre propre volonté… y suis-je prêt ?

Voici pour st Vincent, où se trouve le meilleur à vivre : la volonté de Dieu : « Or, qui de tous les hommes sera le plus parfait ? Ce sera celui dont la volonté sera plus conforme à celle de Dieu, de sorte que la perfection consiste à unir tellement notre volonté à celle de Dieu, que la sienne et la nôtre ne soient, à proprement parler, qu’un même vouloir et non-vouloir ; et qui plus excellera en ce point, plus il sera parfait. Car, je vous prie, de grâce, Messieurs, que dit Notre-Seigneur à cet homme de l’Évangile auquel il voulait enseigner le moyen d’arriver à la perfection ? «Si vous voulez venir après moi, lui dit-il, renoncez à vous-même, portez votre croix et suivez-moi » Mt 16,24» XI 318

Ou encore : « O Seigneur, s’il vous plaît de donner cet esprit à la Compagnie, qu’elle travaille à se rendre toujours plus agréable à vos yeux, vous la remplirez d’ardeur pour devenir semblable à vous ; et cette affection la fait déjà vivre de votre vie, en sorte que chacun puisse dire avec saint Paul : ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. (Gal 2,20) O bienheureuse Compagnie ! ô bienheureux nous tous ! Si nous tendons là, infailliblement nous y viendrons. Oh ! quel bonheur de vérifier en nous ces paroles : Je vis, ce n’est plus moi qui vit, mais le Christ vit en moi ! Car nous ne vivons plus de la vie humaine, nous vivons d’une vie divine, et nous y vivrons, mes frères, si nos cœurs sont pleins et nos actions accompagnées de cette intention de faire la volonté de Dieu. XII,164-165

Cela se trouve fortement liée aux évènements de la vie. Il prend le temps de méditer, ce qu’il vit, d’interroger Dieu lorsqu’il ne comprend pas ou lorsqu’il ne sait pas comment il doit agir. Il invite ses auditeurs à faire comme lui dans sa prière. Voici ce qu’il disait : « Seigneur que feriez-vous si vous étiez à ma place ? ». Alors que la nature humaine cherche sans cesse à vivre l’indépendance vis-à-vis de toute forme d’autorité, st Vincent, de son coté, comme tous les grands saints prend de plus en plus plaisir à se soumettre à la volonté de Dieu.

Son espérance est enracinée en sa foi. Cette foi est celle qui lui révèle que Dieu veut toujours le meilleur pour ceux qui le suivent. Mais faisons bien attention lorsque nous disons le meilleur, nous ne disons pas cela avec les critères de notre société !!! car ceux-ci sont synonymes  d’en faire le moins possible, d’en gagner encore plus, d’être tranquille sans s’occuper des autres etc. Le meilleur en terme chrétien c’est de suivre le Christ. C’est le contempler pour l’imiter. C’est participer à son acte salvateur. Il nous fait participant de son œuvre de Salut. Combien de fois st Vincent dira t il tant aux sœurs qu’aux confrères : n’avez-vous pas ce bonheur de faire ce pour quoi le Fils de Dieu est venu sur Terre ! Voilà toute son espérance : vivre comme le Christ. Il a cette célèbre réplique à l’un de ses premiers collaborateur, Mr Portail : « Ressouvenez-vous, Monsieur, que nous vivons en Jésus-Christ par la mort de Jésus-Christ, et que nous devons mourir en Jésus-Christ par la vie de Jésus-Christ, et que notre vie doit être cachée en Jésus-Christ et pleine de Jésus-Christ, et que, pour mourir comme Jésus-Christ, il faut vivre comme Jésus-Christ ». Notre société est tellement marquée par l’individualisme et par le bonheur personnel qu’il n’est plus attentif à l’ensemble de l’humanité. Or le Christ vient pour sauver le genre humain.

Son espérance ne peut se vivre seul. Là aussi c’est lutter contre l’esprit humain qui aime tant se faire voir, se faire remarquer, être reconnu comme un héros, un Zorro. St Vincent n’est pas dans cette dynamique. Pour cela il a deux atouts : rien de ce qu’il a fait, il ne l’a fait seul. Toutes ses entreprises ça a toujours été en collaboration avec d’autres. Il n’en tire jamais orgueil redonnant sans cesse tout le mérite à la Providence tout d’abord (souvent en rappelant les débuts de ses œuvres il reconnait que personne n’y avait pensé) et il implique toujours dès le départ d’autres personnes avec lui pour leurs réalisations.

L’autre atout est la pratique de la vertu de l’humilité. Si je ne la pratique pas, je vais réduire l’œuvre de Dieu à mon bénéfice et là je vais tout perdre. Il a des paroles très rudes sur le sujet de l’humilité, il dit souvent qu’il faut aller jusqu’à s’humilier. On pourrait le croire mazo mais en fait, c’est pour nous défier de nous-même afin de mettre toute notre foi en Dieu. Ecoutons donc la réponse qu’il fait à un confrère qui lui dit qu’il est nul, qu’il n’arrive à rien :

« Je rends grâces à Dieu de ce que vous savez l’art de vous bien déchirer, j’entends la manière de vous bien humilier, qui est de reconnaître vos fautes et de les découvrir. Vous avez raison de vous croire tel que vous vous dépeignez et fort impropre à toute sorte d’emplois ; car c’est sur ce fondement que Notre-Seigneur établira l’exécution des desseins qu’il a sur vous. Mais aussi, Monsieur, quand vous faites ces réflexions sur l’état de votre intérieur, vous devez élever votre esprit à la considération de son adorable bonté. Vous avez grand sujet de vous défier de vous-même, il est vrai ; mais vous en avez un plus grand de vous confier en lui. Si vous êtes enclin au mal, vous savez qu’il l’est sans comparaison davantage à faire le bien et à le faire même en vous et par vous. Je vous prie de faire votre oraison sur ceci, et durant le jour quelques élévations à Dieu pour lui demander la grâce de vous bien établir sur ce principe, qu’après avoir jeté les yeux sur vos misères, vous les portiez toujours sur ses miséricordes, vous arrêtant beaucoup plus sur sa magnificence envers vous que sur votre indignité envers lui, et plus sur sa force que sur votre faiblesse, vous abandonnant dans cette vue entre ses bras paternels et dans l’espérance qu’il fera lui-même en vous ce qu’il prétend de vous, et qu’il bénira ce que vous ferez pour lui. Avec cela, Monsieur, tenez votre cœur préparé à recevoir la paix et la joie du Saint-Esprit. » V 164-165

Il est intéressant de prendre le temps de contempler l’espérance que Dieu a sur chacun de nous. Il sait que nous sommes capables. C’est un acte de foi que nous avons à faire de savoir qu’on peut atteindre ce pour quoi nous sommes ici sur terre.

Pour vivre cela il lui a fallu des conversions intérieures. Juste un exemple, lorsqu’il est aumônier de la reine Margot, c’est-à-dire distributeur des deniers de la reine aux pauvres, il ne côtoie les pauvres qu’en vue de son premier objectif qui est l’honnête retirade. Ils ne sont qu’un moyen pour atteindre son objectif.  Il n’en prend guère cas. On peut dire qu’il a confondu moyen et objectif. Là pour lui, les pauvres étaient le moyen d’atteindre son but personnel l’honnête retirade. Mais lorsque nous le trouvons quelques années après, alors qu’il a renoncé à tous ces bénéfices et privilèges et qu’il est réellement au service des pauvres, il y est attentif. Il a de la compassion pour eux, c’est-à-dire qu’il pâtit avec eux. Il souffre avec eux car la méditation de l’évangile et l’harmonisation de sa foi lui ont révéler qu’en les servant, on sert Jésus Christ lui même. Peut on avoir une meilleure espérance que de faire ce que notre Seigneur est venu faire sur Terre.

Il est à noter qu’il avait plusieurs entrées d’argent via ses bénéfices, il prend la décision de renoncer à tout. C’est étonnant la confiance qu’il fait à Dieu jusque sur ce point là. Il aurait pu être tenté de se dire « les bénéfices que j’ai-je vais les mettre au service des pauvres ». Mais non, il tient à ce que tout vienne de Dieu !

« Je passe vite pour venir au quatrième effet de la charité. Il fait qu’on ne saurait voir souffrir quelqu’un, qu’on ne souffre avec lui ; on ne le saurait voir pleurer, qu’on ne pleure aussi. C’est un acte de l’amour qui fait entrer les cœurs les uns dans les autres et sentir ce qu’ils sentent, bien éloignés de ceux qui n’ont aucun sentiment de la douleur des affligés, ni de la souffrance des pauvres. Ah ! que le Fils de Dieu était tendre ! On l’appelle pour voir le Lazare ; il y va ; la Madeleine se lève et vient au devant en pleurant ; les Juifs la suivent, qui pleurent aussi ; chacun se met à pleurer. Que fait Notre Seigneur ? Il pleure avec eux, tant il est tendre et compatissant. C’est cette tendresse qui l’a fait venir du ciel ; il croyait les hommes privés de sa gloire ; il fut touché de leur malheur. Nous devons de même nous attendrir sur notre prochain affligé et prendre part à sa peine. O saint Paul, combien étiez-vous sensible en ce point ! O Sauveur, qui avez rempli cet apôtre de votre esprit et de votre tendresse, faites-nous dire comme à lui : « Y a-t-il malade avec lequel je ne sois malade ? » 2Cor 11, 29

Et comment puis-je me ressentir de sa maladie, sinon par la participation que nous avons ensemble en Notre Seigneur, qui est notre chef ? Tous les hommes composent un corps mystique ; nous sommes tous membres les uns des autres. On n’a jamais ouï qu’un membre, non pas même dans les animaux, ait été insensible à la douleur d’un autre membre ; qu’une partie de l’homme soit froissée, blessée ou violentée, et que les autres ne s’en ressentent pas. Cela ne se peut. Tous nos membres ont tant de sympathie et de liaison ensemble que le mal de l’un est le mal de l’autre. A plus forte raison, les chrétiens, étant membres d’un même corps et membres les uns des autres, se doivent-ils de compatir. Quoi ! être chrétien et voir son frère affligé, sans pleurer avec lui, sans être malade avec lui ! C’est être sans charité ; c’est être chrétien en peinture ; c’est n’avoir point d’humanité ; c’est être pire que les bêtes.

C’est aussi un acte de charité de se réjouir avec ceux qui se réjouissent. Elle nous fait entrer dans les sujets de leur joie. Notre-Seigneur par ses maximes a eu dessein de nous faire entrer en unité d’esprit et en unité de joie et de tristesse ; son désir est que nous entrions dans les sentiments les uns des autres ». XII 270-272 Avons-nous cette espérance là ?

L’espérance de st Vincent est de s’identifier au Christ. Faire comme lui, mieux, être comme lui. S’incorporer dans sa manière d’être. Combien de fois dira t il tant aux confrères qu’aux sœurs quel honneur nous avons d’être les continuateurs de l’œuvre du Christ. Nous sommes là pour continuer sa mission, son œuvre de Salut. Faire comme le Christ est un chemin de sainteté,  c’est-à-dire un chemin d’épanouissement de notre être profond. Ai-je en espérance d’avancer sur mon chemin de sainteté ? Rien à voir avec ce que nous propose notre société qui n’est que dans le superflu, le claquant, le dérisoire, le plaisir immédiat ou la distraction. Là en nous faisant participants à l’œuvre de Salut du Christ, nous avons le meilleur de tout ce qui peut exister. Sommes-nous prêts à vivre cela en sachant bien, en regardant le chemin du Christ qu’il passe par le chemin de la croix, de la passion, de la mort mais pour aller bien plus loin, pour ouvrir un chemin qu’on n’imaginait même pas.

 

« Le dessein de la Compagnie est d’imiter Notre-Seigneur, autant que de pauvres et chétives personnes le peuvent faire. Que veut dire cela ? C’est qu’elle s’est proposé de se conformer à lui en ses conduites, ses actions, ses emplois et ses fins. Comment une personne en peut-elle représenter une autre, si elle n’a les mêmes traits, linéaments, proportions, façons, regards ? Cela ne se peut. Il faut donc, si nous nous sommes proposé de nous rendre semblables à ce divin modèle et sentons en nos cœurs ce désir et cette sainte affection, il nous faut, dis-je, tâcher de conformer nos pensées, nos œuvres et nos intentions aux siennes. Il n’est pas seulement Dieu des vertus, mais il est venu pratiquer toutes les vertus ; et comme ses actions et inactions étaient autant de vertus, nous devons aussi nous conformer à cela en tâchant d’être des hommes de vertu, non seulement quant à l’intérieur, mais en agissant au dehors par vertu, en sorte que ce que nous faisons et ne faisons pas, ce soit par ce principe. C’est ainsi qu’il faut entendre les mots qui précédent notre règle…

 

Si on nous demandait : «Pourquoi êtes vous à la Mission ?» il faudrait reconnaître que c’est Dieu qui la faite, afin que nous travaillions : premièrement, à notre perfection, secondement, au salut des pauvres ; et, en troisième lieu, au service des prêtres, et dire : «J’y suis pour cela.» O. Messieurs, ô mes frères, que vous semble-t-il de cette fin ? Notre-Seigneur pouvait-il nous en donner une plus sainte et plus sanctifiante, plus conforme à sa bonté infinie et plus revenante à sa Providence dans le soin qu’elle a de conduire les hommes à leur salut ? Notre fin, c’est donc de travailler à notre perfection, à évangéliser les pauvres et a enseigner la science et les vertus propres aux ecclésiastiques…

 «Soyez parfaits, dit-il (Mt 5,48) comme votre Père céleste est parfait.» Cela tire haut ; qui pourra y atteindre ? Se perfectionner comme le Père éternel ! Cependant voilà la mesure. Mais, parce que tous les chrétiens n’y travaillent pas, Dieu, par quelque conduite que les hommes doivent admirer, voyant cette négligence de la plupart, s’en suscite quelques-uns, qui se donnent à sa divine Majesté, pour entreprendre, avec sa grâce, de se perfectionner eux-mêmes et d’en perfectionner d’autres. Où va cette perfection ? A nous rendre agréables aux yeux de Dieu, à avoir la grâce justifiante et à l’avoir incessamment. C’est elle qui fait que nos pensées, paroles et œuvres sont agréables à Dieu ; et même ce qu’on laisse à faire, tout lui est agréable. Oh ! quel bonheur ! oh ! quel bonheur à un missionnaire qui fait son capital de se rendre agréable à Dieu, qui travaille à ôter de soi tous les empêchements et à acquérir ce qui lui manque ; Ce travail-là nous rend agréables à Dieu. Or sus, Messieurs, cela suppose que travailler à l’acquisition des vertus, c’est travailler à se rendre agréable à Dieu. Il faut donc y travailler incessamment, recevoir grâce pour cela ; il faut aller toujours avant, plus ultra…

Voilà à quoi nous porte notre règle. Rendons grâces à Dieu de ce bienheureux sort. O Sauveur ! ô mes frères ! que nous sommes heureux de nous trouver au chemin de la perfection ! Sauveur, faites-nous la grâce d’y marcher droit et d’y marcher sans relâche.     XII 75-77

 

Son espérance est de faire percevoir la présence du Christ dans les plus pauvres et à partir de là faire changer nos modes relationnels, nos conceptions de société. Mettre le pauvre au centre de nos préoccupations afin de lui offrir le meilleur, ainsi donc relever ensemble chacun des blessés de la vie. Ceci correspondant au projet de Dieu pour notre humanité.

Je ne dois pas considérer un pauvre paysan ou une pauvre femme selon leur extérieur, ni selon ce qui parait de la portée de leur esprit ; d’autant que bien souvent ils n’ont pas presque la figure, ni l’esprit de personnes raisonnables, tant ils sont grossiers et terrestres. Mais tournez la médaille, et vous verrez par les lumières de la foi que le Fils de Dieu, qui a voulu être pauvre, nous est représenté par ces pauvres ; qu’il n’avait presque pas la figure d’un homme en sa passion, et qu’il passait pour fou dans l’esprit des Gentils, et pour pierre de scandale dans celui des Juifs ; et avec tout cela, il se qualifie l’évangéliste des pauvres : Evangelizare pauperibus misit me (Lc 4,18) O Dieu ! qu’il fait beau voir les pauvres, si nous les considérons en Dieu et dans l’estime que Jésus-Christ en a faite ! Mais, si nous les regardons selon les sentiments de la chair et de l’esprit mondain, ils paraîtront méprisables. XI, 32

 

Saint Vincent et la passion du Royaume.

Pour continuer notre voyage à travers l’Espérance selon Saint Vincent de Paul, je vais essayer de creuser un peu avec vous le message central de l’Evangile, Evangile dont c’est nourri Saint Vincent.  Ce message central n’est autre que le Royaume de Dieu, le Royaume de Dieu est proche.  Au cœur de l’annonce de Jésus, il y a le message de la proximité du Royaume de Dieu.  Et quand il dit proximité, il ne dit pas : proche pour bientôt, encore un peu de temps et vous verrez, patientez encore quelques instant.  Non, quand il dit proche, il entend : là, à côté de nous, déjà là, certes pas encore visible de manière éclatante, tel que cela nous l’ai promis, mais bel et bien là, déjà là, à côté de nous !

Cela était déjà bien ancré dans la foi des contemporains de Saint Vincent.  Toutefois, beaucoup de gens à l’époque comprenaient ce Royaume annoncé comme quelque chose de lointain (et encore aujourd’hui), comme quelque chose ne concernant que l’au-delà, après, après notre passage sur terre.  Et cela peut se comprendre pour nous aujourd’hui, comme au XVIIe siècle, même si les circonstances n’ont rien à voir.  Il faut bien admettre que l’on est loin de vivre au quotidien dans le Royaume de Dieu, on se l’imagine tous autrement.  Et bien évidemment, l’Espérance d’y parvenir un jour est grande chez nous comme chez beaucoup de gens. D’y parvenir, mais dans le futur, comme quelque chose qui doit venir, qui doit nous arriver, mais nous arriver qu’après notre mort.  Au XVIIe siècle c’était ainsi que l’on voyait les choses, mais avec certainement beaucoup plus d’angoisse qu’aujourd’hui.  Si aujourd’hui on a un peu rapidement tendance à dire que l’amour, le pardon, la miséricorde de Dieu sont tellement grands que tout le monde sera accueilli dans le Royaume, à l’époque, la notion de rétribution, de mérite, était proportionnellement aussi importante.  Si aujourd’hui on chante « on ira tous au paradis, on ira … », à l’époque c’était plutôt « on a tous la frousse d’aller en enfer ! ».  D’où cette piété parfois un peu exagérée chez certaines personnes, et Ste Louise n’était pas la dernière, Saint Vincent a du la calmer un peu, piété vécue chez beaucoup de gens qui avaient tellement peur d’aller griller en enfer qu’ils passaient leur temps en dévotion, comme pour mériter leur place dans le Royaume, l’acheter.  Mais d’un côté comme de l’autre, aujourd’hui comme hier, l’idée du Royaume est quelque chose « pour après », l’Espérance chrétienne se situe dans un au-delà, pas dans le déjà-là, bien qu’on ne cesse de le rabâcher.  Il faut dire que Jésus ne nous a pas beaucoup aidés pour comprendre tout ça, ou peut-être n’avons-nous retenu qu’une partie de son message, et je pencherai plus pour cette option.  Nous n’avons retenu, pour la plupart, que les images que Jésus, et toutes les Ecritures avant lui, nous ont données pour nous décrire ce Royaume et son contraire, l’enfer.  Au lieu d’entendre : « Le Royaume de Dieu (des Cieux) est comme … », nous avons entendu : « Le Royaume de Dieu est, … c’est … ».  Au lieu de rechercher le sens des paroles de Jésus, nous nous sommes arrêtés aux images, faisant du Royaume un pays lointain où, comme il nous l’est dit dans le livre d’Isaïe, si nous n’en faisons qu’une lecture littérale : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera à côté du chevreau, le veau et le lion s’en iront au même pâturage … et nous, nous passerons notre éternité à bouffer et à boire comme dans tous banquets de noces qui se respectent !! », j’en est déjà la nausée !!!  Nous avons fait du Royaume ce qu’il n’est pas.  Nous en avons fait un pays imaginaire, alors que l’essentiel n’est pas là.  Bref, nous sommes à côté de la plaque.  Et Saint Vincent a lui aussi été à côté de la plaque jusqu’à cette fameuse année 1617 !!

Oh !! Saint Vincent a été un très bon chrétien, même avant 1617, sans en faire plus qu’il ne devait, côté dévotions, il a toujours respecté les prescriptions de l’Eglise pour s’assurer un ticket pour le paradis.  Mais ce paradis, ce Royaume, était pour lui aussi dans le domaine du pays lointain, il n’était pas là déjà présent.  Pour lui, comme pour beaucoup, le présent, le pays présent, c’était celui de la réussite sociale et financière.  Les agapes de miel et de lait, c’était pour plus tard.  Comme beaucoup, et encore aujourd’hui, Saint Vincent avant 1617 n’avait pas encore compris la parole de Jésus concernant le Royaume de Dieu.  Il n’avait pas encore compris la relation qui existe entre Jésus et le Royaume de Dieu.  On faisait alors de Jésus, et encore aujourd’hui, on faisait de lui seulement un messager venu vendre ou défendre une réalité indépendante de lui, un peu comme un agent immobilier frappant à la porte pour vendre des appartements grand standing, appartement pour lesquels il nous faudrait nous endetter pendant des années avant d’y mettre les pieds !!!  Maintenant si on a envoyé balader le vendeur, il ne faut pas s’étonner.

L’année 1617 va tout changer chez Saint Vincent.  En faisant l’expérience du Dieu vivant à travers les pauvres, ça va faire en lui comme un choc à plusieurs niveaux.  Et l’un de ces niveaux est de réaliser que quand on parle du Royaume de Dieu, on parle de Dieu lui-même, pas d’un pays imaginaire.  Et Jésus, Dieu parmi nous, n’est pas un simple messager, il est le message, il est le Royaume parmi nous.  Les Pères de l’Eglise, dont Origène, disaient de Jésus qu’il était le Royaume en personne.  Saint Vincent avait lu ces auteurs, et là, à partir de 1617, cette notion va enfin prendre chair, va devenir concrète pour lui.  Le Royaume est bien déjà là, présent dans notre histoire, dans l’histoire de l’humanité, comme dans notre histoire personnelle.  Son Espérance ne va plus alors être seulement l’attente patiente et pieuse d’un autre monde, mais le moteur, l’énergie, la force, de l’épanouissement de sa foi et de l’ardeur de sa charité.  Il n’aura plus alors de cesse que de rechercher ce Royaume ici, autour de lui, en lui.  Il n’aura plus alors de cesse que d’inviter, que de pousser ces contemporains, et nous aujourd’hui, à aller à la recherche du Royaume, certes encore imparfait, mais bel et bien présent :

«  Ah ! Seigneur, tirez-nous après vous, faites-nous la grâce d’entrer en pratique de votre exemple et de notre règle, qui nous porte à chercher le Royaume de Dieu et sa justice, et à nous abandonner à lui pour tout le reste ».

L’espérance n’est pas un but à atteindre, ce n’est pas un pays imaginaire, c’est entrer dans un processus de vie qui, comme Saint Vincent nous l’a montré, nous tire, nous pousse, à rechercher la présence de Dieu, la présence de Jésus parmi nous, nous porte à rechercher le Royaume de Dieu et sa justice, aujourd’hui.

« Faites que votre Père règne en nous et régnez-y vous-même en nous faisant régner en vous par la foi, par l’espérance et par l’amour, par l’humilité, par l’obéissance et par l’union avec votre divine Majesté. Et en ce faisant, nous avons sujet d’espérer que nous régnerons un jour dans votre gloire, qui nous a été méritée par votre sang précieux. C’est, mes frères, ce que nous lui devons demander à l’oraison ; et tout le long du jour, à commencer par le réveil, se dire : «Comment ferai-je pour faire que Dieu règne souverainement en mon cœur ? Comment ferai-je aussi pour étendre par tout le monde la connaissance et l’amour de Jésus-Christ ? Mon bon Jésus, enseignez-moi à le faire et faites que je le fasse !» ». XII, 147-148.

 

QUESTIONS POUR UN PARTAGE

– Quelles paroles et attitudes personnelles et communautaires sont semences d’espérance ? De quelles manières ? Quels obstacles à l’espérance avons-nous à dépasser ?

– Comment est-ce que j’aide ceux qui m’entourent à s’arrimer à l’espérance ?

– Dans l’ordinaire de mon regard sur les autres, le monde et moi-même, comment suis-je témoin de l’espérance chrétienne ?