voici en un seul article une homélie (écrite ci-dessous) pour la fête de la Toussaint;

et une autre pour ce jour 2 novembre, fête de nos défunts, en version audio: cliquez ici => vie éternelle en préparation 

 

 

TOUSSAINT 21                                                                                                    LE BERCEAU

Chères sœurs, cher Frères

Quand je suis arrivé à Dax en octobre 55, pour entrer dans la Congrégation de la Mission, nous allions tous les jeudis en promenade soit au Berceau, soit à Buglose. Les plus anciens que moi ne manquaient pas de chanter alors à tue-tête le très fameux « Estelle de la ma ». J’étais émerveillé quand résonnaient par deux fois « tousten », tousten » que mon cerveau, plutôt formé au parler méridional, recevait ainsi : « Tous saints ! tous saints ! ». L’affaire était conclue : les landais se proclamaient tous comme des saints. A y bien réfléchir, ils sont comme tous leurs frères humains, appelés à la sainteté. C’est pour cela que naturalisé par 35 années de présence dans les Landes, j’ai envie de fredonner aujourd’hui « tous saints » ; cela manifestant bien des conséquences pour nous.

Il y a d’abord celles et ceux qui nous ont précédés, « marqués du signe de la croix ». Evitons de faire une erreur, réduire la Toussant aux canonisés officiels. Que la Liturgie invoque la Vierge, st Joseph, les Apôtres, c’est bien, étant les premiers de cordée !, mais n’oublions pas ceux qui ont vécu l’Evangile dans le silence, la discrétion, l’anonymat et l’humilité pour ennoblir la banalité, qui les fait même oublier. Ainsi des proches, des membres de notre famille, lointains dans le temps ou tout proches de nous ; ceux dont nous avons goûté l’amour et à qui nous avons partagé le nôtre ; ils sont les chéris de Dieu, ses enfants – comme le dit st Jean – à qui il a tout proposé et qui ont accepté et vécu, au quotidien, ce don inexprimable de la sainteté, car ils ont moins fait d’efforts pour être aimés que Dieu par son Fils en a fait pour eux. Je vous invite ce matin à composer dans votre pensée, les litanies de nos prédécesseurs. Par exemple, en cherchant leur qualité dominante, et passant outre leurs défauts et errements, voire péchés, je prie ainsi :

Mes très sts parents, priez pour moi,

Sts grands-parents, priez pour moi,

Ste tante ou oncle qui m’avait gâté, priez pour moi,

Ste cousine germaine avec qui j’ai grandi, priez pour moi,

Sts voisins qui nous avez rendu tant de services, priez pour moi,

D’aucuns pourront trouver ces litanies un brin naïves : ils oublieraient alors que Dieu se plaît avec les simples et les petits : il jette toujours les yeux sur la bassesse de ses servantes et serviteurs.

Et nous voilà face à nous-mêmes, appelés par ceux qui ont vécu l’Evangile, à continuer la chaîne de la sainteté, à nous mettre à la disposition du Dieu Très Saint, Celui qui a Seul le pouvoir de sanctifier et de nous revêtir de sa grâce. Certes, il n’est pas simple de répondre « prêts » et d’accomplir l’appel reçu. Quantité d’obstacles bousculent notre marche et jalonnent notre route. Rôde Satan, rôde notre péché, rôde celui du monde. Nous avons à vivre dans la foi pure : « Tu es avec nous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». La charité nous permet de dire oui dans la persévérance. Et l’Etoile de l’espérance scintille toujours, même quand l’obscurité recouvre notre terre plus tôt et surtout quand les ténèbres de nos cœurs peuvent quelquefois nous porter au découragement.

Et voilà que notre Eglise défaille. Qu’on parle de choc, c’est imparable. Je ne peux me résigner à cette déflagration. Au moment où tous nos évêques se réunissent à Lourdes pour prendre la mesure de cette onde et de ses conséquences, le journal « La Croix » nous offre une lecture qui donne à penser, d’un certain Jean Mallein. Ces lignes colorent cette Toussaint 21 comme autant de couleurs automnales, porteuses d’espoirs et plus encore de renouveau plus printanier ; écoutez :

« Il m’est insupportable de lire qu’aucune solution ne peut être trouvée dans la crise actuelle que traverse l’Église de France en dehors de la mise entre parenthèses des prêtres, et des évêques. Parce que prêtres, alors que s’ils ont été appelés et ordonnés à ce ministère, c’est pour qu’il soit clairement signifié que les sacrements, qu’ils administrent au nom du Christ, ne sont pas œuvres humaines mais dons de Dieu. Supprimer cette source de sanctification pour une solution soi-disant mieux adaptée, reviendrait à dire que l’on n’a pas besoin de ce don de Dieu. Et même que l’on n’a pas vraiment besoin de Dieu, puisque seule pourrait suffire l’idée que l’on s’en fait … Mais, à mon sens, ce serait rêver et non pas vivre dans le concret notre relation à Dieu. Ce serait nier ce qui fait l’originalité de notre Église une, sainte, catholique, et apostolique – quatre tâches dont nous sommes bien incapables, laissés à nous-mêmes, mais qui nous sont possibles si nous nous laissons conduire par l’Esprit Saint … Chacun devrait comprendre que la réforme de l’Église doit d’abord commencer en lui-même et que ses frères et sœurs en Christ le sont par leur baptême et non pas parce qu’il les aurait choisis ou aurait choisi de les conserver… »

Mes derniers mots s’imposent : devenir de vrais enfants de Dieu, comme insiste st Jean ; c’est un long et magnifique travail car il s’agit d’œuvrer selon l’esprit des Béatitudes. Je n’ai trouvé que cette explication satisfaisante, celle que j’appelle ‘le Christ des Béatitudes’.

« Si tu es sensible et simple par nature, imite à fond Jésus ami de Jean et de Lazare,

Si tu pleures facilement, regardes le Christ face à Jérusalem,

Si tu es bon, entends Jésus dire : « Je suis doux et humble de cœur »,

Si tu ne supportes pas l’injustice, écoute-le fustiger les riches égoïstes,

Si ton cœur saigne devant les pauvres, regarde comme il les préfère,

Si tu es franc et net, aime la vérité dont Jésus est le roi,

Si tu veux et agis pour la concorde et la paix, regarde l’amour vécu par le Christ,

Si tu souffres à cause de ta foi, va jusqu’à ta croix »

J’aime ces huit voies du Christ, même si nul ne réécrit les béatitudes. Puisque tu te sens comme prédisposé à vivre l’une d’entre elles, alors prends cette route sans tarder parce que c’est la tienne et « Va ». Jésus te précède.

(J-P Renouard cm – renoird@orange.fr)