L’homélie de ce jour, donnée par notre confrère Alain Perez, en dit largement assez. Cette fois-ci, donc tout est dans la lecture. Bonne méditation.

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Saint Matthieu nous rapporte une prière de Jésus et il la situe dans un climat de tension et d’échec ; en effet, Jésus vient de condamner sévèrement les villes des bords du lac de Tibériade qui n’ont pas accueilli son message et ses miracles. Dans cette situation d’échec, beaucoup d’hommes auraient sombrés dans la déception et le découragement. Or, dans cette prière, voici que c’est un hymne de jubilation, un chant de joie qui jaillit des lèvres de Jésus ! Quel est donc ce secret de Jésus ? « Seigneur du ciel et de la terre ». Cinq fois en quelques lignes nous entendons Jésus appeler Dieu « père ». « Père », le voilà le secret de Jésus… et nous, nous y sommes tellement habitués que nous ne nous rendons plus compte de la véritable révolution religieuse que ce nom inaugure. Des grands spécialistes ont fouillé toute la Bible et toute la littérature juive avant Jésus. Eh bien jamais le terme « père » n’est utilisé dans une invocation directe à Dieu. Pas un seul psaume n’ose interpeller Dieu d’une manière si familière. D’ailleurs encore aujourd’hui, les juifs par respect ne prononcent même pas le nom de Dieu mais utilisent toutes sortes d’expressions comme par exemple : « l’éternel béni soit-il ». Les apôtres qui étaient des juifs n’ont pas inventé une telle parole mais ils l’ont surprise sur les lèvres mêmes de Jésus en train de prier.

Et derrière ce mot il y a le mot araméen (la langue des juifs au temps de Jésus), le mot araméen «  Abba ». C’était l’expression de tendresse des petits enfants à leur père l’équivalent de notre « papa ». Père, Papa, Seigneur du ciel et de la terre : par ses expressions Jésus s’adresse bien au grand Dieu créateur de tout l’univers ! Ainsi il nous donne l’exemple d’une double attitude dans la prière : l’affectueuse simplicité et l’adoration véritable.

C’est bien aussi à partir de sa vie concrète que Jésus prie. C’est à partir de l’échec qu’il a subi auprès des scribes et des docteurs de la loi et de l’accueil qu’il a reçu de la part des humbles et des pauvres : « ce que tu as caché aux sages et aux savants tu l’as révélé au tout petit » dit-il. Cependant il n’est pas question pour Jésus de remercier son père de son échec de prédicateur, ni qu’il attribue cet échec à Dieu son père mais avec force il remercie pour le bon accueil que les foules incultes les petits, les humbles ont fait de sa parole alors que les intellectuels se sont bloqués sur leurs certitudes. La réaction de Jésus n’est pas une condamnation de l’intelligence bien sûr ! Mais Jésus constate que souvent cette précieuse intelligence de l’homme aboutit en fait à aveugler celui qui est orgueilleux et tellement fier de sa science. Saint-Paul disait d’ailleurs, dans sa première lettre aux corinthiens au sujet de la foi : « ce n’est pas avec le prestige de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu » le langage de la croix est folie mais ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes » 1 cor 1;18-30

Oui on ne connaît pas Dieu par des arguments et des raisonnements savants mais lorsqu’on l’accueille dans un cœur de pauvres. On ne remplit pas une coupe déjà pleine ! Il faut un cœur désencombré pour que Dieu trouve sa place. Il faut une intelligence humble pour que Dieu s’y dévoile…

C’est là une exigence très forte de notre vie chrétienne. C’est une véritable conversion ! Mais Jésus se présente dans l’évangile d’aujourd’hui comme plein de douceur et d’humilité et il nous propose le vrai chemin de cette conversion : « venez à moi vous qui peinez sous le poids du fardeau et moi je vous procurerai le repos prenez sur vous mon joug et devenez mes disciples car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos. Oui mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »