En ce 8° dimanche du temps ordinaire (le dernier de la première série, puisque mercredi 2 mars est celui des cendres l’entrée en carême) nous avons deux homélies. Vous pouvez lire celle qui est dite ce matin à la chapelle du Berceau, elle est dite par notre diacre Alain S.
La seconde est en version audio cliquez juste après la flèche =>
8ème dimanche Temps ordinaire Année C
« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur ». Voilà les derniers mots de l’évangile de ce jour. Ils méritent bien que nous les méditions un moment.
D’après certains philosophes, la parole est le propre de l’homme. Cette affirmation n’est pourtant pas tout à fait exacte. En effet, pour tous les croyants en un Dieu unique, qu’ils soient juifs, musulmans ou chrétiens de diverses confessions, la parole est avant tout le propre de Dieu. Comme nous sommes créés à l’image de Dieu, nous pouvons donc dire, que la parole est le propre de Dieu et le propre de l’homme.
La parole, le langage, les mots sont indispensables aux êtres humains pour établir des relations sociales. En être privé constitue pour les muets un véritable handicap et souvent une mise à l’écart. C’était d’autant plus vrai il y a 2000 ans, époque où peu de gens savaient lire et écrire et où n’existaient pas encore tous nos écrans avec leurs différentes applications adaptées aux déficiences de la parole. Ce n’est pas pour rien, que parmi les nombreux miracles opérés par Jésus, on le voit délier la langue des muets.
La parole, nous en usons et nous en abusons. La langue est bien souvent source de péché. Tout au début de notre célébration, nous avons confessé que « nous avons péché, en pensée, en parole, par actions et par omission ». En pensée par notre intelligence, en parole par nos discours, en action par notre agir, en omission par nos inactions. Nous entrons dans la tentation par tous les moyens possibles, dont celui de la parole.
Plusieurs versets du livre des proverbes peuvent nous aider dans notre réflexion. J’en ai retenu 3.
– « A trop parler, on n’évite pas le péché : qui tient sa langue est bien avisé » (prov 10.19). Parler beaucoup est risqué. C’est prendre le risque de dire des choses qu’on ne devrait pas dire et de faire entendre aux autres des choses qu’ils n’ont pas besoin d’entendre.
Avant de parler, à défaut de tourner 7 fois notre langue dans notre bouche, réfléchissons. Est-ce que, dans telle ou telle situation, il ne serait pas plus sage de nous taire que de parler ?
– « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue ; qui aime la parole mangera de son fruit » (prov 18.21). Avec nos paroles on peut encourager, édifier, faire grandir, faire rire, réconforter, procurer de la joie, de l’assurance, de l’espérance, amener les gens à regarder vers le Christ.
Mais avec nos paroles on peut aussi décourager, détruire, faire preuve de folie, faire pleurer, attrister, accabler, briser, amener les gens à nous regarder plutôt que de se tourner vers le Christ.
– « Sur la bouche de l’insensé pointe l’orgueil, les lèvres des sages s’en garderont » (prov 14.3). Nous devons lutter contre l’orgueil. Par nature, on aime parler de nous-même. On veut que les autres sachent à quel point on est extraordinaire, courageux et digne d’être aimé. Cet orgueil, c’est lui qui nous amène à regarder la paille dans l’œil de notre voisin, sans voir la poutre qui se trouve dans le nôtre.
Depuis 20 jours, nous écoutons dans la liturgie des messes de semaine l’épître de Saint Jacques. Quelle merveille. Jacques nous donne une suite de préceptes pour nous aider dans notre vie de chrétiens et notamment sur notre façon d’utiliser la parole :
« Chacun doit être prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère, car la colère de l’homme ne réalise pas ce qui est juste selon Dieu. Si l’on pense être quelqu’un de religieux sans mettre un frein à sa langue, on se trompe soi-même ; une telle religion est sans valeur ».
La lecture du livre de Ben Sira le Sage que nous avons entendue au début du temps de la célébration de la parole d’aujourd’hui va dans le même sens : « On juge l’homme en le faisant parler. Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger ».
Être jugé à partir de nos paroles, Jésus lui-même nous a avertis : « Je vous le dis : toute parole creuse que prononceront les hommes, ils devront en rendre compte au jour du jugement. D’après tes paroles, en effet, tu seras reconnu juste ; d’après tes paroles tu seras condamné » (Matt. 12.36,37).
Cela peut nous sembler angoissant, tant notre bouche nous entraine souvent vers le mal. Mais restons optimistes ; notre langue, organe de la parole peut aussi rendre gloire au Seigneur. C’est ce que nous avons demandé avec notre chant d’entrée : « Que ma bouche chante ta louange ». Sois loué, Seigneur, pour ta grandeur, sois loué pour tous tes bienfaits. Gloire à toi Seigneur, tu es vainqueur, ton amour inonde nos cœurs. Que ma bouche chante ta louange.
Annoncer la louange du Seigneur, c’est ce que demandent tous les croyants qui prient avec la liturgie des heures. Les premiers mots qu’ils prononcent chaque jour sont tirés du psaume 50. Ils les disent en traçant sur leurs lèvres, comme nous le faisons en acclamant l’évangile, un signe de croix. « Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange ».
La louange se préoccupe de ce que Dieu est, et de ce qu’Il fait. Elle met autant l’accent sur l’immensité de Dieu que sur ses actions envers ses enfants que nous sommes. La louange est un chant de foi, d’amour et d’espérance. Elle est regard sur l’œuvre de Dieu dans vie et dans le monde. Elle est l’expression de l’œuvre de Dieu à travers ce que je suis en train de vivre. La louange est le chant de la miséricorde de Dieu à l’œuvre au cœur du monde.
Nous avons été créés pour glorifier notre Seigneur, pour L’adorer, pour Le faire connaître et L’honorer (Esaïe 43 :21)
Le faire connaître, c’est annoncer Sa Parole à nos frères et sœurs par nos actes et par notre langue.
N’ayons pas peur de demander au Christ de la délier et de faire de ce petit organe corporel, non un instrument de médisance mais l’instrument de notre louange. « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur ».